J’avais foncé tête baissée dans la gueule du loup comme une bleue et voilà où cela m’avait menée : couchée sur le lit d’un étranger dans la maison de quatre monstres rôdant tout autour pour s’assurer que leur proie ne s’échapperait pas. On disait pour certains animaux que la peur juste avant la mise à mort rendait leur chair plus ferme et je me demandai s’il en était de même pour les humains…

— J’ai envie de me lier à toi, voilà tout. Reste à savoir si tu le désires aussi.

Mon corps et mon cœur s’emballaient à chacun de ses mots et, pour couronner le tout, mon discernement était parti se perdre au loin. Pourtant, je me forçai à reculer dans la plus grande douleur, mettant fin à la tension qui régnait entre nous.

Je perçus le battant se refermer dans le plus grand silence et la peur envahit tous les pores de ma peau. Il était là et pourtant, je ne discernais pas le moindre mouvement en dehors des miens. Cela éveilla en moi la chasseuse restée endormie jusqu’à maintenant et qu’il me fallait maîtriser à tout prix si je ne voulais pas me trahir.

Des larmes coulaient le long de ses joues pour venir goutter sur mon visage. J’essayai de lever une main pour les essuyer, mais toute force avait déjà déserté mon bras.

— J’ai dû m’arrêter pour un besoin féminin.

— Tu crois vraiment que c’était le meilleur moment pour ça ? s’agaça Pierre.

— T’aurais préféré que je me pisse dessus dans l’hélicoptère, peut-être ? J’aurais pu !

— Non, non… capitula-t-il, gêné.

Sa réaction nous arracha un petit sourire satisfait. Le sujet était clos.

Je me laissai tomber à genoux et le pris dans mes bras. J’enfonçai ma tête dans son cou et les larmes jaillirent tel un torrent furieux. Son nom se perdit au milieu de mes cris de désespoir et de douleur.

Il glissa une bandelette de cuir entre mes lèvres.

Soudain, une ceinture sangla mes chevilles au lit et mon loup me maintint les épaules avec fermeté pour me garder allongée. J’écarquillai les yeux lorsque le premier clac des ciseaux retentit et je m’arcboutai en hurlant. Je plantai mes dents aussi fort que possible dans le cuir, en larmes.

— T’es mignon.

— Juste mignon ? Je m’attendais au moins à être beau. Un vrai Apollon. Je suis presque sûr de pouvoir le dépasser…

Je m’esclaffai. Impossible de résister à une idiotie aussi adorable.

— T’es mignon dans le sens où tu désires te livrer à moi alors que l’on ne se connait que depuis quelques jours. Je ne le montre peut-être pas, mais cela me touche. Et, pour ta gouverne, je peux t’assurer que tu es éblouissant. Tu possèdes ce je-ne-sais-quoi qui te donne du charme à en faire tourner des têtes.

— Ça, c’est du compliment. Tu es la première à me le dire, c’est moi qui suis touché, là. Je tiens toutefois à te corriger. Je ne veux pas faire « tourner des têtes », une seule me suffit. La tienne…

— Elle est à moi ! entendis-je hurler.

Le fracas du bois dans mon dos retentit jusqu’à mes oreilles, mais je ne me retournai pas. Je remontai le long couloir aussi vite que mes jambes pouvaient me porter.

Une détonation déchira soudain la nuit et je m’arrachai brutalement à ses lèvres. Le visage de Ryan se déforma tandis que mon corps tout entier se brisait.

Lui aussi était resté immobile depuis un moment, seule sa poitrine se soulevant faiblement à un rythme régulier. On aurait pu croire qu’il dormait paisiblement, une main sur son ventre, mais des gémissements dépassaient parfois ses lèvres, nous détrompant.

Son visage était blême et sous sa paume, son t-shirt était imbibé de sang.

Par précaution, je sortis mon gun et logeai une balle dans sa tête, suivie de cinq autres. Au milieu des détonations, il me sembla entendre mon nom, mais je n’y prêtai pas la moindre attention. Mon doigt était crispé sur la gâchette, prêt à faire feu au cas où il se relèverait.

— Tu ne pourrais franchir les portes du monastère. Et puis tu serais une proie facile dans un repaire de chasseurs. Fais-moi confiance. Si nous sommes vraiment destinés à être ensemble, alors le destin nous réunira forcément un jour.

— Je suis un prédateur, Vanessa. Chaque cellule de mon être est faite pour la chasse. Et puis, je suis un Alpha, tu ne peux pas me doubler…

Sonnée, je l’observai descendre les marches, savourant cet instant où il pouvait me dominer de tout son être.

— Pour résumer, tu te tapes le demi-frère parce que tu n’as pas pu choper le roi… La poupée russe se révèle moins maligne que je ne le pensais… Mais toutes mes félicitations, tu as au moins réussi à mettre la main sur l’un des deux !